Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/32

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comme si je n’étais pas là. Je crus entendre le poème de la mort. Il en déroulait devant moi les visions et les harmonies déchirantes, comme le musicien laisse errer ses doigts sur le clavier, au gré de l’âme et d’une émotion trop forte. Je ne l’interrompis qu’une fois. Le crépuscule était venu ; et de là nous allâmes bien avant dans la nuit. Tout était calme. Le ciel sévère s’étendait sur la terre comme une vague monstrueuse de l’océan. Le soleil rouge s’était noyé dans les sanglantes larmes. La campagne était muette ; et seule la mer, en respirant, pleurait sur les bords.

Et, si j’ai pleuré moi-même, au souvenir d’êtres bien chers qui ne sont plus, je ne le dirai pas. Mais, j’écoutais jusqu’au bout cette messe des morts, dite par l’amour pour tous ceux qui aiment.