Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/37

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de la vie est le chiffre du néant. Ces yeux, cette bouche, ces traits chéris n’imitent plus l’amour, ils s’en détournent ; ils en sont si loin qu’ils ne le reconnaissent pas, et ne se ressemblent même plus.

Non, ce n’est plus Toi. Si tu étais encore toi-même, tu m’aurais écouté ; tu m’aurais souri dans la douleur ; tu m’aurais entendu. Il n’est pas de puissance qui t’aurait empêché de me répondre. La main, qui t’a couché sur le sol, eût en vain scellé tes lèvres : tes yeux se seraient ouverts pour me parler. Si quelque horrible jeu de l’illusion n’avait pas laissé que ta forme devant moi, si quelque part ta vie persistait séparée de ta chair douloureuse, quel mystère eût été assez fort pour le retenir ? Ha, tu m’aurais révélé ta présence de quelque manière ; tu aurais fait signe à mon tourment, tu m’aurais consolé.