Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/38

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Tu n’eusses pas gardé cet air rigide, ce silence irrité et terrible. Tous les liens de la terre ne t’auraient pas enchaîné ; tu te serais dressé pour me prendre dans tes bras, et pour réchauffer ton infortune contre ma poitrine. Hélas, pas un geste ; pas un signe ; tu n’as rien dit.

Où je l’ai vu, je ne cesserai plus de le voir. Déjà si loin, ah ! si loin de tout, si absent et si froid : et moi aussi, désormais, je suis méconnaissable, et j’ai fini d’être pareil à moi-même. J’avais tout prévu, dans ma tristesse : tout, hormis ce désastre. Où je l’ai vu, je le regarde dans le supplice de sa chair. Voici le chemin, voici l’horizon de deux sépulcres : là tient toute notre vie. Ô chère victime, la douleur de son dernier moment arrache un sanglot à la compassion. Seule, elle me parle d’une telle douleur :