Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/59

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même, il a beaucoup appris à dédaigner grandement : nous avons eu, pourtant, mille occasions de mépris.

Il avait de l’ambition, comme tout homme digne de vivre ; mais sans en rien attendre, eût-on dit, ni s’en rien promettre : cette ambition semblait de principe. Elle était fonction de sa volonté, ainsi que dans les meilleurs. Voilà ce qu’il avait d’incomparable : une force de vouloir si vive, qui ne dépouillait pourtant jamais le sang pur de ce cœur où elle prenait son origine. Jamais il n’a voulu que ce qui était bon et juste à ses yeux. Dans ce qui le sollicitait le plus, il savait s’effacer au profit du bien qu’il avait résolu de faire : sacrifice joyeux, qu’il n’obtenait pas du tout de lui par une raison morale, ni pour obéir à une théorie, mais par nature, parce qu’il était ainsi