Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore ? dans la rue, des enfants se battaient ; de leurs bouches fraîches sortaient les plus vieilles injures, qui n’épargnaient même pas leurs parents. Chez le voisin, on tord le cou à un poulet : j’entends le bruit des ailes, la fuite dans la terreur, la bête saisie, son hoquet ; elle glousse, les pattes prises entre les genoux du meurtrier ; un appel éperdu qui grince, rouillé, comme une poulie ; un râle, — et maintenant, je le sais, les petites lentilles des yeux n’oscillent plus dans leurs disques de caoutchouc, sur les deux bords du crâne ridicule ; et les pattes rétractées en dedans ont la raideur d’une griffe à marquer les baliveaux, dans la forêt. La bête encore chaude, on la plume. Ce soir, je le sais aussi, quand ils mangeront la volaille, l’homme et la femme se meurtriront de paroles amères, de regards