Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/78

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— Comment dès lors concevoir que je vive sans lui ? Et, dites-moi, pourquoi faire ? Comme, à soixante et quatre-vingts ans, un vieillard voudrait que l’homme fût toujours chaste, le sage, comblé de biens et qui se préfère à tous, ne croit pas à la douleur inconsolable de l’amour dans la mort. Je n’attends rien de ces sages ; je n’attends rien de la raison : elle n’écoute qu’elle ; c’est une comédienne enivrée de son rôle ; c’est son éternelle vanité.

La raison ne croit pas à la douleur : parce qu’elle l’ignore.

S’il était des consolations, je m’en donnerais bien. Je prierais mon amour de m’en donner, s’il pouvait. Mais, si lui-même ne peut, où en chercher ?

Ha, je sais qu’il n’est point de consolations. Pourtant, j’en cherche.

Puis, je m’en fais reproche ; c’est que