Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/92

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défend dans la somme : elle sacrifie un à un tous ceux qui l’honorent le plus, pour sauver le nombre immense : car elle ne s’honore que du total. Viens tel jour où notre cœur s’indigne de cette vile arithmétique. Que me fait toute la somme ? La vie ne veut rien que ce qui dure ? — Mais qu’est-ce qui dure sans moi ? Rien ne portait une âme de durée égale à mon amour.


Nous qui sommes dans le néant, nous connaissons seuls la mort : elle ne nous y rend pas ; elle nous prend par le cou, et nous fait voir que nous y sommes.

Je l’ai pressentie dans toute sa puissance, parce que l’amour était en moi et le désir de la beauté. Et moi-même, pourtant, j’ai pu vivre comme si la mort ne me guettait pas ; bien plus, comme si