Page:Suarès - Tolstoï.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tolstoï est muet sur les droits de l’homme. Il ne lui propose que des devoirs, en échange du bonheur, qui est dans la pureté de conscience. Il offre donc une religion, car cette philosophie a la foi : elle en porte le caractère capital, qui est de fixer entre l’individu et l’univers, entre l’amour-propre et l’amour de Dieu, un rapport immuable, où le doute n’est plus permis et où, au regard de l’infiniment grand, le moi est un infiniment petit, une quantité négligeable, un pur rien.

Toutes les religions sont venues de l’Orient, parce que l’âme orientale immole entièrement le moi humain à l’infini : soit qu’elle l’en accable, soit qu’elle l’y absorbe ; qu’elle l’y mesure ou qu’elle l’y perde. La foi est à ce prix : c’est le point où toute philosophie, digne de ce nom, rencontre la religion ; quelles que soient leurs trajectoires, le terme des forces est unique, et elles y coïncident.

Le Bien est cet infini où Tolstoï ne conçoit même pas que le néant de l’homme résiste, car il ne prend quelque réalité que par rapport à lui. Tous les Russes, à cet égard, ont l’imagination orientale. L’individu leur semble un point, et sa