Page:Suarès - Tolstoï.djvu/22

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sublime innocence est, en même temps, ce qu’il y a de plus naïf et de plus profond : chaque esprit y reconnaît la plénitude de ce que lui-même y porte, ou naïveté, ou profondeur. Et quiconque médite cet enseignement y découvre une vue insondable sur le cœur humain.

Une philosophie qui ne laisse pas de place au doute est une religion.

Et toute religion où s’exerce la critique cesse même d’être une philosophie.

La foi est grande en ce qu’elle oblige. Et par là, en dépit de tout, il y a une religion dans toute philosophie où le doute n’a plus de place. Elle aussi crée à l’homme des devoirs. Vous avez, sur toutes choses, besoin de vous connaître des devoirs. On ne vous a que trop entretenus de vos droits. Il n’en est de véritables, qu’à ceux qui les découvrent eux-mêmes, dans les nécessités de leur nature, et qui les obtiennent de leurs souffrances et de leurs combats. Voilà des droits que ceux qui les ont n’ont pas peu payé pour avoir. La vertu en est universelle, mais à titre d’exemple seulement ; elle ne suffit pas à donner une prérogative égale à ceux qui n’ont pas également souffert pour elle.