Page:Suarès - Tolstoï.djvu/60

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faite et bien réglée, la force suit un cours, d’où la violence semble exclue : un fleuve, cependant, n’est pas moins un fleuve et la vie d’une contrée, pour rompre ses digues. Il est fâcheux qu’il les arrache ; il l’est plus encore qu’on ne les lui ait pas mises. Mais le point capital est que ce fleuve coule, et qu’il existe. Personne, même de ses victimes, ne préférerait qu’il ne fût pas. On ne peut persuader aux Siciliens de Catane de ne point planter leurs vignes, cent fois détruites par la lave, sur les flancs enchantés de l’Etna : la beauté de la terre, sa fécondité, et la qualité du vin qu’elle nourrit de son feu, font pardonner au volcan, et oublier ses fureurs, quand il est dans son humeur de précipiter le ravage et la misère.

Le mal est qu’on ruine la force, le plus souvent, en faisant procès à la violence. Les forts, je le sais, y mettent toute la leur, — et c’est une de leurs marques les plus certaines. On dirait qu’ils se défient de toute force, en dehors de celle qu’ils ont, — ou qu’ils la voulussent toute pour eux.

Le préjugé contre la guerre vient de là. Elle révolte une âme pensante, qui éprouve largement les souffrances humaines. Mais l’erreur est de