Page:Suarès - Tolstoï.djvu/64

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simple, non gâté par la vie, reçoit la vérité sans peine, et l’accepte, comme l’œil sain fait les objets visibles. Le faux jugement lui semble un effet de l’erreur sociale ; mais, selon lui, l’homme sans malice n’y est pas sujet ; et enfin, nul homme d’intelligence ordinaire, pourvu qu’elle fût intacte et non viciée par la culture du mensonge, ne peut refuser son adhésion à l’Évangile, si on lui enseigne la parole de Jésus-Christ, dépouillée de toute théologie et de tout ornement ecclésiastique. L’Oriental, comme le Grec, est porté à confondre l’esprit et le caractère. Tolstoï pourrait se donner en exemple : quand il a compris la doctrine du Christ, il a été chrétien. Il ne conçoit pas qu’on balance à le faire. Il n’entre, peut-être, pas du tout dans la pensée d’un Montaigne ou d’un Renan, qui, comprenant la vie chrétienne exactement à sa manière, y verrait une raison suffisante de ne pas s’y conformer.

Tolstoï croit une idée bonne, parce qu’elle lui paraît vraie. Il ne faut que lui prouver la vérité d’une doctrine pour l’y faire adhérer. Dans le temps où, désespérant de la foi, il vivait dans la critique, souvent il a fait du bien la pierre de