Page:Suarès - Tolstoï.djvu/65

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touche du vrai ; à cette époque, l’apparence d’une vérité se dissipait à ses yeux, ne laissant voir qu’une idée fausse, en ce qu’elle n’était pas bonne. À vrai dire, il n’a jamais été amoureux des idées pour elles-mêmes : il leur demande ce qu’elles ont pour la vie. Quand son esprit s’épuisait en efforts critiques, il lui semblait ne pas vivre. Plusieurs fois il a songé à se donner la mort. Il le répète volontiers, comme on parle d’un danger ancien, d’où l’on est sorti heureusement, et où les autres peuvent trouver matière à s’instruire. Quand il dit qu’il a été nihiliste, il ne faut pas le prendre au mot. Il était dans le doute, entre des idées contraires, dont pas une n’importait directement au bien, ni à la vie bonne. Voilà pour Tolstoï un état mortel, et de néant. Montaigne y voyait toutes sortes de commodités pour bien vivre.

Il est clair que Montaigne n’est pas un négateur décidé : mais le probable, dont il s’accommode, paraît à Tolstoï un pur néant. C’est que Tolstoï est de ces hommes surtout sensibles sur l’article de la morale, et qui n’en acceptent une que par relations avec l’ordre universel. Il leur faut la foi,