Page:Suarès - Tolstoï.djvu/68

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l’Imitation ! Quel prodige lui serait cet évangile socratique ! Il démontre le bien et la vérité chrétienne, comme Xénophon explique le bien et la vérité selon Socrate. Encore, Socrate a-t-il son démon.

L’inspiration de Tolstoï est plus positive : ni démon, ni extase, ni grâce, ni ombre d’un pouvoir mystique. Tout ce qui y ressemble donne du dégoût à cette âme puissamment rationnelle : un certain mysticisme du cœur, dont les fils de la femme ne guériront pas, s’il est un mal, irrite Tolstoï. Sa pitié et cet amour qu’il prêche entre toutes les créatures sont plutôt rudes, violents, pleins d’exigence, que trempés de douceur et de larmes. Il ne se reconnaissait point dans ces larmoiements et ces fadeurs dolentes, dont on a tant parlé, — et cette religion pitoyable, dont on a fait une mode. Il est même injuste, pour ce piteux répit, que des âmes, pauvres en tout, donnent à leur égoïsme, quand elles pleurnichent, et font l’aumône, fût-ce par ostentation : il faut leur en savoir gré, au contraire, comme d’un brin d’herbe, né de la boue et du sable ; aussi bien, n’est-ce pas assez pour y prendre garde. Tolstoï a trop fait