Page:Suarès - Tolstoï.djvu/80

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Les égoïstes, selon l’opinion vulgaire, sont ceux qui n’aiment que leur intérêt propre ou le préfèrent à tout. Avec plus ou moins de conscience, selon qu’ils ont plus ou moins de cœur et d’esprit. Mais, d’un enfant plein de vie, où tout l’être est en croissance, l’âme avec le corps, et la volonté propre comme le rôle marqué par le destin, on ne peut dire justement qu’il est égoïste. Il accroît et développe sa force. S’il n’en avait une, qui le défend contre la masse de l’univers, il ne pourrait jamais la porter à ce point de grandeur où quelques hommes ont atteint, et où ils ont su en faire le sacrifice à cet univers même. Ce qui est vrai de l’enfant l’est de certains hommes, et du génie. On appelle égoïsme ce qui n’est, en eux, que l’effet de leur force, sans quoi ils ne seraient pas ce qu’ils sont ; ni capables surtout, le jour venu, d’un parfait sacrifice. En quelque sorte, on ne peut immoler que ce qu’on a le plus. On n’est prodigue que de sa fortune. Il faut un moi bien plein, grand et fort, pour un amour des autres grand, plein et fort. Et, enfin, il faut être égoïste, ou le pouvoir, pour pouvoir aussi ne pas l’être.

On condamne le moi sur l’arrêt que l’amour