Page:Suarès - Tolstoï.djvu/88

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n’est qu’une grâce : non pas même tenir la vérité, mais être la vérité. — Que sera-ce d’un homme sans vérité ? Sans unité ? c’est-à-dire enfin, sans moi ? — Un filet d’eau qui passe, en mirant des feuilles qui bruissent, et qui tombent, desséché par un peu de soleil plus tôt qu’elles ne sont tombées. Sort dérisoire ; plus dérisoire encore qu’on puisse s’en contenter. Il y a de pauvres hères de savants, qui se tiennent pour les plus grands esprits du monde, et se jugent, avec gaîté, un jeu de sensations sans aucun lien : qu’ils se croient les meilleurs, en outre, c’est ce qu’il y a de plus bouffon. Il est doux de voir ces docteurs se faire justice, et qu’ils sont pareils dans leurs laboratoires à des Patagons sur leurs pirogues, dans le canal de Magellan, — ou même mieux, qu’ils ne diffèrent point d’un polypier. Il est vrai sans doute ; mais qu’ils s’en contentent…

Sans le moi, il n’y aura pas de vraie morale. Il faut porter le moi au plus haut, dans une perfection entière, pour le parfaitement immoler. Voilà la morale. Les docteurs et les savants de trois kopecks n’auront jamais de morale. Ils n’y ont aucun droit. Ils n’ont besoin que d’arithmétique, et de balances. Leur moi pèse justement ce