Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/257

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tout le désir que j’ai de vous être utile pour vous avoir prévenu ; car en vérité… — Et le comte hésita un moment, puis il reprit d’un air presque solennel, où il paraissait se joindre une nuance d’intérêt affectueux : — Tenez, voulez-vous savoir toute ma pensée ?

— Sans doute, — dis-je fort surpris de cette brusque transition.

— Eh bien, vous savez qu’entre hommes il n’y a rien de plus sot que les compliments ; pourtant je ne puis vous cacher qu’il y a en vous quelque chose qui attire au premier abord ; mais bientôt on reconnaît dans votre manière d’être je ne sais quoi de contraint, de froid, de réservé, qui glace ; vous êtes jeune, et vous n’avez ni l’entrain ni la confiance de notre âge. Il y a surtout en vous un contraste que je ne puis parvenir à m’expliquer. Quand vous prenez part à une conversation de jeunes gens, conversation folle, joyeuse, étourdie, souvent votre figure s’anime, vous dites alors des choses beaucoup plus folles, beaucoup plus gaies que les plus gais et les plus fous, et puis, la dernière parole prononcée, vos traits reprennent aussitôt une expression indéfinissable, ou plutôt définissable, de froideur et de fatigue ; vous avez l’air de vous ennuyer à la mort, de façon qu’on ne sait que