Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/80

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contré ; car il n’était pas de ces misanthropes qui recherchent les hommes pour leur dire chaque jour qu’ils les détestent et qu’ils veulent les fuir, mais un misanthrope qui avait rompu absolument avec eux. Aussi, j’ai beau interroger mes souvenirs d’enfance et de jeunesse, je ne me souviens pas d’avoir vu à mon père un ami, ou même ce qu’on appelle une simple connaissance. Ma mère, ma tante et ma cousine Hélène, plus jeune que moi de trois années, étaient les seules personnes qui, de temps à autre, nous vinssent visiter : cela n’est pas une exagération, ma mère me l’a dit ; pendant près de trente années que mon père vécut à Serval… pas un étranger n’y parut.

Mon père chassait beaucoup, mais seul ; il aimait passionnément les chevaux et aussi la grande agriculture. Ces occupations et celles de mon éducation, qu’il fit lui-même, jusqu’à ce qu’il m’eût mis entre les mains d’un précepteur pour voyager, employaient presque tous ses instants ; puis ses biens étant considérables, et n’ayant jamais voulu d’intendant, secondé par ma mère, dont l’esprit d’ordre était extrême, il s’occupait d’administrer sa fortune lui-même ; enfin la lecture, des expériences scientifiques, et surtout de longues