Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/89

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mes, lorsqu’il leva son visage vénérable, si cruellement creusé par les souffrances.

Les airs qu’il faisait ainsi répéter à Hélène étaient en très-petit nombre et fort anciens ; il y avait entre autres Pauvre Jacques, la cavatine de Don Juan de Mozart, une symphonie de Beethoven, et deux ou trois romances de Paësiello ; une surtout, intitulée la Mort d’Elvire, mélodie simple, douce et triste, semblait l’affecter plus profondément que les autres : aussi quelquefois poussant un profond soupir, il disait : « Assez… Hélène… Je vous remercie, mon enfant… » Aussitôt le piano se taisait, et tout retombait dans un profond silence.

Je ne saurais dire quelle indéfinissable mélancolie éveillait en moi cette scène qui se passait ainsi presque chaque jour, avec quelle sorte d’extase recueillie j’écoutais ces anciens airs d’un rhythme si naïf, chantés à demi-voix par Hélène, dont le timbre était d’une fraîcheur et d’une pureté remarquables.

Le salon où nous nous rassemblions le soir s’appelait le salon du Croisé, parce qu’un de nos ancêtres, portant la croix sainte, s’y trouvait représenté au-dessus d’une immense cheminée de pierre sculptée ; cette pièce était vaste, toute tendue de damas rouge-sombre. Comme