Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/90

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la vue de mon père était très-affaiblie, on posait sur le piano deux lampes recouvertes d’abat-jour de soie verte, relevés seulement du côté du pupitre : aussi toute la pièce restait presque dans l’obscurité, taudis qu’Hélène, assise au piano, était seule vivement éclairée.

Je vois encore ses beaux cheveux blonds, si bien attachés à son joli col, qui se détachait si blanc de sa large pèlerine noire. Puis, mon père, assis devant notre échiquier, la tête baissée sur la poitrine, dans l’attitude de la méditation, seulement reflété, ainsi que moi, par la lueur rouge et vacillante du foyer. .....

Environ sur les dix heures mon père sonnait ; ses gens le transportaient dans son appartement, où je l’accompagnais, et on le mettait au lit.

Je couchais dans une chambre voisine de la sienne, et bien souvent, la nuit, inquiet et agité, me relevant pour écouter sa respiration, je m’avançais doucement jusqu’auprès de lui, mais je rencontrais toujours son regard fixe, clair et perçant, car il ne dormait jamais. Cette épouvantable insomnie, que les médecins attribuaient aux suites de l’abus de l’opium, et qu’ils avaient vainement combattue de tous leurs moyens, cette insomnie continue