Aller au contenu

Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

insensé, — me dit-elle après un long silence, — mais je ne puis vous en vouloir. J’aurais dû tout vous dire ; vingt fois je l’ai voulu, mais une insurmontable crainte, votre air ironique et froid, votre subite et incompréhensible conversion aux bonheurs du monde… tout enfin m’a glacée…

— Ah ! je le crois, je le crois ; aussi pourrez-vous me pardonner jamais ! Mais oui, vous me pardonnerez, n’est-ce pas ? vous me pardonnerez quand vous penserez à ce que j’ai dû souffrir des odieux soupçons qui me désolaient. Ah ! si vous saviez comme la douleur rend injuste et haineux ! si vous saviez ce que c’est que de se dire :… Moi, je l’aime avec idolâtrie ; il n’y a pas dans son esprit, dans son âme, dans sa personne un charme, une grâce, une nuance que je n’apprécie, que je n’admire qu’à genoux ; elle est pour moi au-dessus de tout et de toutes… et pourtant un autre !  !… Ah ! tenez, voyez-vous, cette idée-là est à mourir… Pensez-y… et vous aurez pitié, et vous comprendrez, vous excuserez mes emportements, dont j’oserais presque ne pas rougir… tant j’ai souffert !

— Ne vous ai-je pas pardonné en vous disant : revenez ! après cette affreuse matinée ? — me dit-elle avec une ineffable bonté…