Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/135

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votre âme, maintenant que je connais celui qui la remplissait, qui la remplit encore de tout son souvenir, je comprends ce qu’il dut y avoir, ce qu’il y a de terrible pour vous dans cette séparation éternelle ! ».

Après quelques moments de silence, Marguerite reprit : « Oh ! merci, merci à vous ! de me comprendre ainsi !  ! Mon Dieu ! depuis ce moment épouvantable, voici la première fois que mes larmes ne me sont point amères, car je puis épancher mon cœur, dire au moins combien j’ai aimé, combien j’ai souffert… Hélas ! tant que je fus heureuse de ce bonheur sans nom, je n’avais besoin de le confier à personne, mais depuis… oh ! depuis !… cette contrainte, voyez-vous, fut affreuse. Si vous saviez ma vie ! Être obligée de cacher ma douleur, mes regrets désespérés, comme j’avais caché mon bonheur ! Car, à qui aurais-je pu dire : Je souffre ? qui m’aurait crue ? qui m’aurait plainte ? qui m’aurait consolée ?… Le monde a quelquefois pitié d’un sentiment coupable,… mais pour un chagrin sacré comme le mien, il n’a que des railleries ! car à ses yeux c’est un ridicule ou un mensonge… Pleurer son mari ! le regretter avec amertume, vivre de souvenirs poignants, n’exister que par la pensée d’un être qui vous fut