Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/136

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cher… qui croirait cela ?… Et puis pourquoi le dire ? À qui le dire ? Mes parents ou mes alliés étaient trop du monde pour me comprendre ; et puis, je l’avoue, j’avais été d’un égoïsme de bonheur tel, que tant qu’il dura je n’avais cherché à m’assurer aucun ami… Lui… lui, n’était-il pas tout pour moi ?… À qui avais-je besoin de répéter combien j’étais heureuse, si ce n’est à lui ?… D’ailleurs, avec l’imprévoyance d’une félicité sans bornes, je n’avais jamais pensé que le malheur pouvait m’atteindre…

— Oh ! vous avez du être bien malheureuse ! Pauvre femme ! les déchirements d’une douleur solitaire sont si affreux !

— Oh ! oui ! j’ai bien souffert, croyez-moi ! Et puis, par je ne sais quelle faiblesse dont maintenant j’ai honte, souvent la solitude m’effrayait ; dans l’ombre et le silence, ma douleur grandissait… grandissait, et devenait quelquefois si menaçante, que j’avais des terreurs affreuses ; aussi, presque éperdue, je me réfugiais dans ce monde que je détestais pourtant, mais c’est que j’avais alors presque besoin de son bruit, de son éclat, pour me distraire un moment de cette concentration de ma pensée qui m’aurait rendue folle… Puis, une fois rassurée, je me prenais à maudire les vaines joies qui