Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/47

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nuyeux ! — reprit la marquise ; — car, en vérité, c’est une inquiétude perpétuelle ; il faut toujours être à regarder où l’on met sa conversation, et c’est une préoccupation intolérable. Mais vous me faites songer avec ces folies à un très-singulier conte que j’ai lu dernièrement dans un vieux livre allemand, et qui pourrait servir de pierre de touche ou de thermomètre à l’égoïsme humain, si chacun voulait répondre avec franchise à la question posée dans ce conte. Il s’agit tout uniment d’un pauvre étudiant de Leipsick, qui, en désespoir de cause, invoque le mauvais esprit ; il lui apparaît, et voici le singulier marché qu’il lui propose : « — Chaque vœu que tu feras sera satisfait, mais à cette condition, c’est que tu prononceras tout haut ce mot : Sathaniel ; et à chaque fois que tu prononceras ce mot, un de tes semblables, un homme enfin, mourra dans un pays lointain ; tu n’assisteras ni à son agonie ni à sa mort, et personne au monde que toi ne saura que la réalisation d’un de tes désirs a coûté la vie à un de tes pareils. — Et je pourrai choisir le pays, la nation de ma victime ? — dit l’étudiant. — Certes. — Touchez là, maître, marché fait, dit-il au démon. — Or, ce fut aux dépens des Turcs,