Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/75

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car si je blâmais les absurdes et calomnieuses visions du monde, je n’étais souvent pas beaucoup plus juste ni beaucoup moins sot.

Quoique je visse très-assidûment madame de Pënâfiel depuis à peu près trois mois, je ne lui avais pas encore dit un mot de galanterie, autant par calcul que par défiance. Je l’avais trouvée trop essentiellement différente du portrait qu’on en faisait dans le monde, pour n’avoir pas, malgré moi, souvent songé à cette excessive fausseté dont on l’accusait.

Ainsi je voulais l’étudier davantage avant de me laisser entraîner au courant très-incertain d’une liaison dont j’aurais redouté l’issue négative ; car, je l’avoue, madame de Pënâfiel était on ne peut plus séduisante.

Entre autres défauts, qui chez elle me ravissaient, il y avait surtout sa coquetterie, qui était fort singulière.

Elle n’existait pas dans de fausses prévenances, dans un accueil aussi flatteur que mensonger, aussi encourageant que trompeur ; non, son caractère était trop fier et trop justement dédaigneux pour quêter ou s’attirer ainsi des hommages.

Cette coquetterie était toute dans la grâce inexprimable que madame de Pënâfiel voulait