Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/10

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Car enfin, une fois tarie, que la coupe se brise… il n’importe ! Mais follement la jeter pleine encore à ses pieds ! mais se sentir les lèvres desséchées alors qu’on aurait pu puiser à une onde fraîche et pure !!! Cela était affreux !

En analysant mes impressions, j’y reconnaissais d’ailleurs mon instinct d’égoïsme habituel ; jamais, jamais je ne songeais au mal horrible que j’avais fait à Marguerite ou à Hélène, mais je songeais toujours à la félicité enchanteresse dont la perte me désespérait.

J’abandonnais, je fuyais Paris, mais je tenais encore, pour ainsi dire malgré moi, à ce centre de regrets amers, par mille liens invisibles ! Si quelquefois je me laissais entraîner à l’espoir de revoir, de retrouver un jour Marguerite, tout à coup la réalité du passé venait arrêter cet élan de mon cœur, par une de ces secousses sourdes, brusques, pour ainsi dire électriques, dont la commotion va droit à l’âme et fait douloureusement tressaillir tout notre être.

J’étais aussi épouvanté en contemplant avec quelle indifférence je pensais à mon père ; et encore, si j’y pensais, c’était pour faire une comparaison sacrilège entre la douleur que