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Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/216

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— Eh bien donc, madame, ne parlons pas du bonheur qui lui est assuré tant qu’elle vivra près de vous… ce serait une prédiction trop facile… parlons de ce moment toujours si cruel pour une mère, de ce moment où elle doit abandonner son enfant idolâtrée aux soins d’une famille étrangère, aux soins d’un homme étranger… Pauvre mère, elle ne peut le croire… sa fille d’une nature si timide, si craintive, si exquise, qu’à sa mère seulement elle parlait sans rougir et avec une joyeuse assurance ; sa fille, qu’elle n’a jamais quittée, qu’elle a veillée le jour, qu’elle a veillée la nuit ; sa fille ! son orgueil, son étude, sa jalousie, sa gloire, sa fille ! cet ange de candeur et de grâce dont elle seule peut comprendre, peut deviner toutes les joies, toutes les angoisses, toutes les susceptibilités, toutes les délicatesses inquiètes… la voilà au pouvoir d’un homme étranger, qui a dû se faire chérir en venant pendant deux mois l’entretenir chaque jour, sous les yeux de ses parents, de banalités puériles, ou des devoirs d’une femme envers son mari… Ils sont donc unis ; et ici, madame, je vous fais grâce de cet appareil monstrueusement grossier et significatif avec lequel on mène la jeune fille à l’autel, à la face d’une foule effrontée, en