Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/13

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CHAPITRE III
La bonne aventure

La sorcière dit au pirate :« Bon capitaine, en vérité,
Non, je ne serai pas ingrate,
Et vous aurez votre beauté. »

Victor Hugo, Cromwell

Dis-moi la bonne aventure,
à gué.
La bonne aventure.

Que dirais-je de plus ? Le bonheur favorisa toujours Kernok ; car le ciel est juste : il fit mainte prise aux Anglais. L’argent qu’il en retirait s’écoulait rapidement dans les tavernes de Saint-Pol ; et c’est au moment de se remettre en mer pour battre monnaie, comme il disait dans son naïf langage, que nous le voyons arriver au sein de la respectable famille de l’écorcheur.

« Mais, sacrebleu ! ouvrez donc, répéta-t-il en secouant vigoureusement la porte. Vous restez tapis comme des goélands dans le creux d’un rocher. » On ouvrit.

Il entra, se dépouilla d’une capote de toile cirée qui ruisselait de pluie, l’étendit près du foyer, secoua son large chapeau de cuir verni, et se jeta sur un méchant escabeau.

Kernok pouvait avoir trente ans : sa taille large et carrée, qui promettait une vigueur athlétique, ses traits basanés, sa chevelure noire, ses larges favoris lui donnaient un air dur et sauvage. Pourtant sa figure eût passé pour assez belle, sans la mobilité extraordinaire de ses épais sourcils, qui se joignaient ou se séparaient suivant l’impression du moment.