Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/15

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ajouta-t-il en regardant Yvonne d’un air interrogatif. Puis, toisant l’idiot avec dégoût :

Quant à ce monstre, si vous le menez au sabbat, il doit faire peur à Satan lui-même ; au reste, il vous ressemble, ma vieille, et si je mettais cette figure-là sur l’avant de mon brick, les bonites effrayées ne viendraient plus se jouer et bondir sous la proue.» Ici Yvonne fit une grimace colérique. « Allons, allons, belle hôtesse, calmez-vous, et n’ouvrez pas le bec comme un goéland qui va fondre sur un banc de sardines. Voilà qui vous apaisera, dit Kernok en faisant sonner quelques écus ; car j’ai besoin de vous et de… monsieur » Cette harangue et ce mot monsieur surtout furent prononcés avec un air si évidemment narquois, qu’il fallut et la vue d’une longue bourse de peau honnêtement garnie et le respect qu’inspiraient les larges épaules et le bâton ferré de Kernok, pour empêcher le digne couple de faire éclater une colère trop longtemps comprimée.

« Ce n’est pas, ajouta le corsaire, que je croie à vos sorcelleries. Autrefois, dans mon enfance, à la bonne heure. Comme un autre, je frissonnais à la veillée en entendant ces beaux récits, et maintenant, belle hôtesse, j’en fais autant de cas que d’un aviron brisé. Mais elle a voulu que je vinsse me faire dire la bonne aventure avant de me remettre en mer. Enfin, voyons, allons-nous commencer, êtes-vous prête, madame ? » Ce