Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/42

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Oh ! oui, car je serai mort avant elle… Mais d’ici là, que d’avenir ! que de beaux jours ! Jeunes et forts, riches, heureux d’une conscience pure et du souvenir de quelques bienfaits, nous aurons revu notre belle Andalousie, Cordoue et son Alhambra, sa mosaïque d’or, ses portiques découpés à jour, son architecture aérienne, notre belle villa avec ses bois d’orangers frais et parfumés, et ses bassins de marbre blanc où dort une eau limpide.

— Et mon père… et la maison où je suis née… et la jalousie verte que je soulevais si souvent quand tu passais, et la vieille église de San-Juan, où pour la première fois, pendant que j’étais à prier, ta bouche murmura à mon oreille : "Mon Anita, je t’aime !…" Et vois si la Vierge me protège ! au moment où tu me disais : "Je t’aime", je venais de lui demander ton amour, en promettant une neuvaine à Notre-dame, reprit Anita, car son époux avait fini par penser tout haut. Écoute, mon Carlos, soupira-t-elle ; jure-moi, mon ange, que dans vingt ans nous dirons une autre neuvaine à Notre-Dame pour lui rendre grâce d’avoir béni notre union.

— Je te le jure, âme de ma vie ! car dans vingt ans nous serons encore jeunes d’amour et de bonheur.

— Oh ! oui, notre avenir est si riant, si pur, que… >> Elle ne put achever, car un boulet ramé, entrant en sifflant par la poupe, lui fracassa la tête, coupa Carlos en deux, et brisa les caisses de fleurs et la volière.

Quel bonheur pour les bengalis et les perruches, qui se sauvèrent par les fenêtres en battant joyeusement des ailes !


CHAPITRE VIII
Prise

… Vil métal Burke
… Possible !
Balzac