Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/41

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mieux éprouvé, mon ange.

— Oui, et pour toujours…, dit Carlos.

— Pour la vie… », dit Anita.

Et leurs bouches se rencontrèrent, et il la serra contre lui dans une étreinte convulsive.

En tombant à leurs pieds, la guitare rendit un accord doux et harmonieux comme le dernier son d’un orgue.

Carlos regardait sa femme de ce regard qui va au cœur, qui fait frissonner d’amour, qui fait mal.

Et elle, fascinée par ce regard âcre et brûlant, murmurait en fermant ses yeux appesantis :

« Grâce ! . .. grâce. .. mon Carlos ! » Puis, joignant ses mains, elle glissa doucement aux pieds de Carlos, et. appuya sa tête sur ses genoux ; de sorte que sa pâle figure était comme voilée par ses longs cheveux noirs : seulement ses yeux brillaient à travers, ainsi qu’une étoile au milieu d’un ciel sombre.

« Et tout cela est à moi, pensait Carlos ; à moi seul au monde, et pour toujours ! car nous vieillirons ensemble ; les rides sillonneront aussi cette figure fraîche et veloutée ; ces anneaux d’ébène s’arrondiront en boucles argentines, disait-il en passant sa main dans la chevelure soyeuse d’Anita, et, vieille, vieille grand-mère, elle s’éteindra par un beau soir d’automne, au milieu de ses petits-enfants, et ses derniers mots seront :, "Je te rejoins, mon Carlos. "