Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/8

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L’idiot riait aux éclats, en agitant sa tête de cheval remplie de cailloux qui rendaient un bruit sourd et bizarre.

Heureusement on frappa à la porte de la cabane, car un malheur serait arrivé.

— Ouvrez, sacrebleu ! Ouvrez donc ! Le nord-ouest souffle d’une force à décorner des bœufs, dit une voix rude.

Le cacou laissa tomber sa hache, Ivonne rajusta sa coiffe, en jetant sur son mari un regard encore étincelant de colère.

— Qui peut venir à cette heure nous déranger ? dit celui-ci ; puis il se hissa jusqu’à une fenêtre étroite, et regarda.


CHAPITRE II.

kernok.


C’était lui, c’était Kernok qui frappait à la porte. Voilà un digne et brave compagnon ; jugez-en.

Il naquit à Plougasnou ; à quinze ans il se sauva de chez son père, s’embarqua sur un négrier, et là commença son éducation maritime. Il n’y avait pas à bord de mousse plus agile, de matelot plus intrépide ; nul n’avait le coup d’œil plus perçant pour découvrir au loin la terre voilée par la brume. Nul ne serrait un hunier avec plus de prestesse et de grâce. Et quel cœur ! Un officier laissait-il négligemment errer sa bourse, le jeune Kernok la ramassait avec soin, mais ses camarades avaient part au contenu. Volait-il du rhum au capitaine, il partageait encore scrupuleusement avec ses intimes.

Et quelle âme ! Combien de fois, lorsque les