Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/7

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Toujours craintif. Ne fallait-il pas vivre ? ton état ne te rend-il pas l’horreur de tout Sait-Pol, et, sans mes prédictions, où en serions-nous réduits ? L’entrée de l’église nous est défendue ; c’est à peine si les boulangers veulent nous vendre du pain. Pen-Ouët ne va pas une fois à la ville qu’il ne revienne meurtri de coups, le pauvre idiot. Tiens, s’ils osaient, ils nous donneraient la chasse comme à une bande de loups des montagnes d’Arrès ; et parce qu’en ramassant le goëmon sur les rochers nous profitons de ce que Teus’s nous envoie, tu t’agenouilles comme un sacristain de Plougasnou, tu es aussi pâle qu’une fille qui, sortant de la veillée, rencontre le Teus’s-Arpoulièk, avec ses trois têtes et son œil flamboyant ! — Femme. — Plus craintif qu’un homme de Cornouailles, dit enfin Ivonne exaspérée. Or, comme le plus sanglant outrage que l’on puisse faire à un Léonais est de le comparer à un habitant de Cornouailles, le cacou prit sa femme à la gorge.

— Oui, reprit-elle d’une voix rauque et strangulée, plus lâche qu’un enfant de la plaine.

La rage de cacou ne connut plus de bornes ; il saisit une hache, mais Ivonne s’arma d’un couteau.