Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/117

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pris le prétexte de ne vous parler de rien avant le jour où nous traverserions le champ de bataille où votre père avait été fait prisonnier… ça me donnait du temps… mais le moment est venu… il n’y a plus à tergiverser.

— Nous t’écoutons, Dagobert, répondirent les jeunes filles d’un air attentif et mélancolique.

Après un moment de silence, pendant lequel il s’était recueilli, le vétéran dit aux jeunes filles :

— Votre père, le général Simon, fils d’un ouvrier qui est resté ouvrier ; car, malgré tout ce que le général avait pu faire et dire, le bonhomme s’est entêté à ne pas quitter son état, — tête de fer et cœur d’or, tout comme son fils ; vous pensez, mes enfants, que si votre père, après s’être engagé simple soldat, est devenu général… et comte de l’empire… ça n’a pas été sans peine et sans gloire.

— Comte de l’empire ? qu’est-ce que c’est, Dagobert ?

— Une bêtise… un titre que l’empereur donnait par-dessus le marché, avec le grade ; l’histoire de dire au peuple, qu’il aimait, parce qu’il en était : « Enfants ! vous voulez jouer à la noblesse, comme les vieux nobles ? vous v’là nobles ; vous voulez jouer aux rois, vous v’là rois…