Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/129

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sement, car quinze jours après il était condamné à mort comme conspirateur.

— Que de malheur ! mon Dieu !

— Il y a eu un bonheur dans ce malheur-là, votre mère tenait bravement sa promesse et l’attendait toujours ; elle lui avait écrit : L’empereur d’abord, moi ensuite. Ne pouvant plus rien ni pour l’empereur ni pour son fils, le général, exilé de France, arrive à Varsovie. Votre mère venait de perdre ses parents ; elle était libre, ils s’épousent, et je suis un des témoins du mariage.

— Tu as raison, Dagobert… que de bonheur, au milieu de si grands malheurs !

— Les voilà donc bien heureux ; mais, comme tous les bons cœurs, plus ils étaient heureux, plus le malheur des autres les chagrinait, et il y avait de quoi être chagriné à Varsovie ; les Russes recommençaient à traiter les Polonais en esclaves ; votre brave mère, quoique d’origine française, était Polonaise de cœur et d’âme : elle disait hardiment tout haut ce que d’autres n’osaient seulement pas dire tout bas ; avec cela, les malheureux l’appelaient leur bon ange, en voilà assez pour mettre le gouverneur russe sur l’œil. Un jour un des amis du général, ancien colonel des lanciers, brave et digne homme, est condamné à l’exil en Sibérie pour une