Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/157

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ment ; son père le veillait ; d’un signe il m’a rassuré. L’intrépide jeune homme ne court plus aucun danger. Puisse le combat de demain l’épargner encore !… Adieu, ma tendre Éva ; la nuit est silencieuse et calme, les feux du bivac s’éteignent peu à peu, nos pauvres montagnards reposent, après cette sanglante journée ; je n’entends d’heure en heure que le cri lointain de nos sentinelles… Ces mots étrangers m’attristent encore, ils me rappellent ce que j’oublie parfois en t’écrivant… que je suis au bout du monde et séparé de toi… de mon enfant ! Pauvres êtres chéris ! quel est… quel sera votre sort ?… Ah ! si du moins je pouvais vous envoyer à temps cette médaille qu’un hasard funeste m’a fait emporter de Varsovie, peut-être obtiendrais-tu d’aller en France, ou du moins d’y envoyer ton enfant avec Dagobert ; car tu sais de quelle importance… Mais à quoi bon ajouter ce chagrin à tous les autres ?… Malheureusement les années se passent… le jour fatal arrivera, et ce dernier espoir, dans lequel je vis pour vous, me sera enlevé ; mais je ne veux pas finir ce journal par une pensée triste. Adieu ! mon Éva bien-aimée, presse notre enfant sur ton cœur, couvre-le de tous les baisers que je vous envoie à tous deux du fond de l’exil.