Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/196

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Bien décidé à cacher aussi longtemps que possible aux orphelines le nouveau coup qui les frappait, il ouvrit la porte de leur chambre, lorsqu’il se heurta contre Rabat-Joie, car le chien était accouru à son poste après avoir en vain essayé d’empêcher le Prophète d’emmener Jovial.

— Heureusement le chien est revenu là, les pauvres petites étaient gardées, dit le soldat en ouvrant la porte.

À sa grande surprise, une profonde obscurité régnait dans la chambre.

— Mes enfants…, s’écria-t-il, pourquoi êtes-vous donc sans lumière ?

On ne lui répondit pas.

Effrayé, il courut au lit à tâtons, prit la main d’une des deux sœurs : cette main était glacée.

— Rose !… mes enfants ! s’écria-t-il, Blanche !… mais répondez-moi donc… Vous me faites peur…

Même silence, la main qu’il tenait se laissait mouvoir machinalement, froide et inerte.

La lune, alors dégagée des nuages noirs qui l’entouraient, jeta dans cette petite chambre et sur le lit placé en face la fenêtre une assez vive clarté pour que le soldat vît les deux sœurs évanouies.

La lueur bleuâtre de la lune augmentait en-