Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/227

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du regard les orphelines ; il recommença de lui parler bas.

— Ah !… s’écria le bourgmestre avec indignation. Vous allez trop loin.

— Je n’affirme rien…, se hâta de dire Morok. C’est une simple présomption fondée sur…

Et de nouveau il approcha ses lèvres de l’oreille du juge.

— Après tout, pourquoi non ? reprit le juge en levant les mains au ciel, ces gens-là sont capables de tout ; il dit aussi qu’il vient de la Sibérie avec elles ; qui prouve que ce n’est pas un amas d’impudents mensonges ? Mais on ne me prend pas deux fois pour dupe, s’écria le bourgmestre d’un ton courroucé ; car, ainsi que tous les gens d’un caractère versatile et faible, il était sans pitié pour ceux qu’il croyait capables d’avoir surpris son intérêt.

— Ne vous hâtez pourtant pas de juger… ne donnez pas surtout à mes paroles plus de poids qu’elles n’en ont, reprit Morok avec une componction et une humilité hypocrites ; ma position envers cet homme (et il désigna Dagobert) est malheureusement si fausse, que l’on pourrait croire que j’agis par ressentiment du mal qu’il m’a fait ; peut-être même est-ce que j’agis ainsi à mon insu… tandis que je crois au contraire n’être guidé que par l’amour de la jus-