Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/285

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rares intervalles, des chants mortuaires arrivent, affaiblis, jusqu’au faîte de la colline.

Pourquoi tant de funérailles ?

Quelle est donc cette vallée de désolation… où les chants paisibles qui succèdent au dur travail quotidien… sont remplacés par des chants de mort ?… où le repos du soir est remplacé par le repos éternel ?

Quelle est cette vallée de désolation dont chaque village pleure tant de morts à la fois, et les enterre à la même heure, la même nuit ?

Hélas ! c’est que la mortalité est si prompte, si nombreuse, si effrayante, que c’est à peine si l’on suffit à enterrer les morts… Pendant le jour, un rude et impérieux labeur attache les survivants à la terre, et le soir seulement, au retour des champs, ils peuvent, brisés de fatigue, creuser ces autres sillons où leurs frères vont reposer, pressés comme les grains de blé dans le semis.

Et cette vallée n’a pas, seule, vu tant de désolation.

Pendant des années maudites, bien des villages, bien des bourgs, bien des villes, bien des contrées immenses ont vu comme cette vallée leurs foyers éteints et déserts !

Ont vu, comme cette vallée, le deuil rempla-