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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/290

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« Artisan voué aux privations, à la misère… le malheur m’avait rendu méchant…

« Oh ! maudit… maudit soit le jour où, pendant que je travaillais, sombre, haineux, désespéré, parce que, malgré mon labeur acharné, les miens manquaient de tout… le Christ a passé devant ma porte !

« Poursuivi d’injures, accablé de coups, portant à grand’peine sa lourde croix, il m’a demandé de se reposer un moment sur mon banc de pierre… Son front ruisselait, ses pieds saignaient, la fatigue le brisait… et avec une douceur navrante, il me disait :

« — Je souffre !…

« — Et moi aussi, je souffre… lui ai-je répondu en le repoussant avec colère, avec dureté ; je souffre, mais personne ne me vient en aide… Les impitoyables… font les impitoyables !… Marche !… marche !

« Alors, lui, poussant un soupir douloureux, m’a dit :

« — Et toi, tu marcheras sans cesse jusqu’à la rédemption, ainsi le veut le Seigneur qui est au cieux.

« Et mon châtiment a commencé…

« Trop tard, j’ai ouvert les yeux à la lumière… trop tard j’ai connu le repentir, trop tard j’ai connu la charité, trop tard enfin j’ai compris