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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/30

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s’exhale, comme par bouffées, une odeur sauvage, âcre, forte, pénétrante.

De temps à autre, on entend quelques râlements sonores et puissants, quelques aspirations profondes, suivies d’un bruit sourd, comme celui de grands corps qui s’étalent et s’allongent pesamment sur un plancher.

Un homme est seul dans ce grenier.

Cet homme est Morok, le dompteur de bêtes féroces, surnommé le Prophète.

Il a quarante ans, sa taille est moyenne, ses membres grêles, sa maigreur extrême ; une longue pelisse d’un rouge de sang, fourrée de noir, l’enveloppe entièrement ; son teint, naturellement blanc, est bronzé par l’existence voyageuse qu’il mène depuis son enfance ; ses cheveux, de ce blond jaune et mat particulier à certaines peuplades des contrées polaires, tombent droits et roides sur ses épaules ; son nez est mince, tranchant, recourbé ; autour de ses pommettes saillantes se dessine une longue barbe presque blanche à force d’être blonde.

Ce qui rend étrange la physionomie de cet homme, ce sont ses paupières très-ouvertes et très-relevées qui laissent voir sa prunelle fauve, toujours entourée d’un cercle blanc… Ce regard fixe, extraordinaire, exerçait une véritable fascination sur les animaux, ce qui d’ailleurs