Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/327

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Ayant ainsi vécu, depuis la mort de sa mère, au milieu des forêts et des montagnes paternelles, où, au milieu de combats incessants, cette nature vigoureuse et ingénue s’était conservée pure et vierge, jamais le surnom de généreux qu’on lui avait donné ne fut mieux mérité. Prince, il était véritablement prince, chose rare… et durant le temps de sa captivité, il avait souverainement imposé à ses geôliers anglais par sa dignité silencieuse. Jamais un reproche, jamais une plainte ; un calme fier et mélancolique… c’est tout ce qu’il avait opposé à un traitement aussi injuste que barbare, jusqu’à ce qu’il fût mis en liberté.

Habitué jusqu’alors à l’existence patriarcale ou guerrière des montagnards de son pays, qu’il avait quittés pour passer quelques mois en prison, Djalma ne connaissait pour ainsi dire rien de la vie civilisée.

Mais sans avoir positivement les défauts de ses qualités, Djalma en poussait du moins les conséquences à l’extrême : d’une opiniâtreté inflexible dans la foi jurée, dévoué jusqu’à la mort, confiant jusqu’à l’aveuglement, bon jusqu’au plus complet oubli de soi, il eût été inflexible pour qui se fût montré envers lui ingrat, menteur ou perfide. Enfin, il eût fait bon marché de la vie d’un traître ou d’un par-