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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/34

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— Comment ?

— Allez donc vous y frotter.

— Et quelle raison… ?

— Impossible.

— Impossible ? pourquoi ?

— Vous allez le savoir… Je les ai d’abord suivis jusqu’à la couchée d’hier, ayant l’air de les rencontrer par hasard ; j’ai parlé au grand vieillard, en lui disant ce qu’on se dit entre piétons voyageurs : Bonjour et bonne route, camarade ! Pour toute réponse il m’a regardé de travers, et du bout de son bâton m’a montré l’autre côté de la route.

— Il est Français, il ne comprend peut-être pas l’allemand ?

— Il le parle au moins aussi bien que vous, puisqu’à la couchée je l’ai entendu demander à l’hôte ce qu’il lui fallait pour lui et pour les jeunes filles.

— Et à la couchée… tu n’as pas essayé encore d’engager la conversation… ?

— Une seule fois… mais il m’a si brutalement reçu que, pour ne rien compromettre, je n’ai pas recommencé. Aussi, entre nous, je dois vous en prévenir, cet homme a l’air méchant en diable ; croyez-moi, malgré sa moustache grise, il paraît encore si vigoureux et si résolu, quoique décharné comme une carcasse, que je