Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/387

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dent la navigation de la Manche si périlleuse.

De l’intérieur du château, on entend gronder une violente tempête qui s’est élevée pendant la nuit ; souvent un bruit formidable, pareil à celui d’une décharge d’artillerie, tonne dans le lointain et est répété par les échos du rivage ; c’est la mer qui se brise avec fureur sur les falaises que domine l’antique manoir…

Il est environ sept heures du matin, le jour ne paraît pas encore à travers les fenêtres d’une grande chambre située au rez-de-chaussée du château ; dans cet appartement éclairé par une lampe, une femme de soixante ans environ, d’une figure honnête et naïve, vêtue comme le sont les riches fermières de Picardie, est déjà occupée d’un travail de couture, malgré l’heure matinale. Plus loin, le mari de cette femme, à peu près du même âge qu’elle, assis devant une grande table, classe et renferme dans de petits sacs des échantillons de blé et d’avoine. La physionomie de cet homme à cheveux blancs est intelligente, ouverte ; elle annonce le bon sens et la droiture égayés par une pointe de malice rustique ; il porte un habit-veste de drap vert ; de grandes guêtres de chasse en cuir fauve cachent à demi son pantalon de velours noir.