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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/421

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intrépidité froide et sainte, un religieux détachement de toute pensée terrestre ; de temps à autre il levait ses grands yeux bleus rayonnants de reconnaissance, d’amour et de sérénité, comme pour remercier Dieu de l’avoir mis à une de ces épreuves formidables où l’homme rempli de cœur et de bravoure peut se dévouer pour ses frères, et, sinon les sauver tous, du moins mourir avec eux, en leur montrant le ciel… Enfin on eût dit un ange envoyé par le Créateur, pour rendre moins cruels les coups d’une inexorable fatalité.

Opposition bizarre ! non loin de ce jeune homme, beau comme un archange, on voyait un être qui ressemblait au démon du mal.

Hardiment monté sur le tronçon du mât de beaupré, où il se tenait à l’aide de quelques débris de cordages, cet homme dominait la scène terrible qui se passait sur le pont.

Une joie sinistre, sauvage, éclatait sur son front jaune et mat, teinte particulière aux gens issus d’un blanc et d’une créole métisse ; il ne portait qu’une chemise et qu’un caleçon de toile ; à son cou était suspendu par un cordon un rouleau de fer-blanc pareil à celui dont se servent les soldats pour serrer leur congé.

Plus le danger augmentait, plus le trois-mâts menaçait d’être jeté sur les récifs ou d’abor-