Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/47

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lement, quand la plaisanterie lui avait paru d’une suffisante durée, Rabat-Joie tournait la tête en grondant. Jovial l’entendait à demi-mot, et s’empressait de le remettre à terre ; d’autres fois, sans doute pour éviter la monotonie, Jovial mordillait légèrement le havre-sac du soldat, qui semblait, ainsi que son chien, parfaitement habitué à ces joyeusetés.

Ces détails feront juger de l’excellent accord qui régnait entre les deux sœurs jumelles, le vieux soldat, le cheval et le chien.

La petite caravane s’avançait, assez impatiente d’atteindre avant la nuit le village de Mockern que l’on voyait au sommet de la côte.

Dagobert regardait de temps à autre autour de lui, et semblait rassembler ses souvenirs ; peu à peu ses traits s’assombrirent ; lorsqu’il fut à peu de distance du moulin dont le bruit avait attiré son attention, il s’arrêta et passa à plusieurs reprises ses longues moustaches entre son pouce et son index, seul signe qui révélât chez lui une émotion forte et concentrée.

Jovial ayant fait un brusque temps d’arrêt derrière son maître, Blanche, éveillée en sursaut par ce mouvement, redressa la tête ; son premier regard chercha sa sœur, à qui elle sourit doucement, puis toutes deux échangèrent un signe de surprise à la vue de Dagobert im-