Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/475

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lui avait fallu, dans des extrémités pressantes, ensuite de maladie ou de chômage, porter au mont-de-piété ce couvert et cette timbale sacrés pour elle.

Françoise prit ensuite, sur la planche inférieure de l’armoire, une bouteille d’eau et une bouteille de vin aux trois quarts remplie, et la plaça près de l’assiette de son fils ; puis elle retourna surveiller le souper.

Quoique Agricol ne fût pas très en retard, la physionomie de sa mère exprimait autant d’inquiétude que de tristesse ; on voyait, à ses yeux rougis, qu’elle avait beaucoup pleuré.

La pauvre femme, après de douloureuses et longues incertitudes, venait d’acquérir la conviction que sa vue, depuis longtemps très-affaiblie, ne lui permettrait bientôt plus de travailler, même deux ou trois heures par jour, ainsi qu’elle avait coutume de le faire.

D’abord excellente ouvrière en lingerie, à mesure que ses yeux s’étaient fatigués, elle avait dû s’occuper de couture de plus en plus grossière, et son gain avait nécessairement diminué en proportion ; enfin, elle s’était vue réduite à la confection de sacs de campement qui comportent environ douze pieds de couture ; on lui payait ses sacs à raison de deux sous chacun, et elle fournissait le fil. Cet ou-