Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/561

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les mains percées… mon pauvre frère, dit Agricol douloureusement ému.

— Mon Dieu !… ne vous occupez pas de cela, dit Gabriel en rougissant avec un embarras modeste. J’étais allé en mission chez les sauvages des montagnes Rocheuses ; ils m’ont crucifié. Ils commençaient à me scalper, lorsque… la Providence m’a sauvé de leurs mains.

— Malheureux enfant, tu étais donc sans armes ? tu n’avais donc pas d’escorte suffisante ? dit Dagobert.

— Nous ne pouvons pas porter d’armes, dit Gabriel en souriant doucement, et nous n’avons jamais d’escorte.

— Et tes camarades, ceux qui étaient avec toi, comment ne t’ont-ils pas défendu ? s’écria impétueusement Agricol.

— J’étais seul… mon frère.

— Seul…

— Oui, seul, avec un guide.

— Comment ! tu es allé, seul, désarmé, au milieu de ce pays barbare ? répéta Dagobert ne pouvant croire à ce qu’il entendait.

— C’est sublime…, dit Agricol.

— La foi ne peut s’imposer par la force, reprit simplement Gabriel, la persuasion peut seule répandre l’évangélique charité parmi ces pauvres sauvages.