Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/104

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Madame de Saint-Dizier, voyant sa proie lui échapper, courut précipitamment à sa nièce, et, au mépris de toute convenance, lui saisit violemment le bras d’une main convulsive en lui disant :

— Restez !

— Ah !… madame…, fit Adrienne avec un accent de douloureux dédain ; où sommes-nous donc ici ?…

— Vous voulez vous échapper… vous avez peur ? lui dit madame de Saint-Dizier en la toisant d’un air de dédain.

Avec ces mots : Vous avez peur… on aurait fait marcher Adrienne de Cardoville dans la fournaise. Dégageant son bras de l’étreinte de sa tante par un geste rempli de noblesse et de fierté, elle jeta sur le fauteuil le chapeau qu’elle tenait à la main, et, revenant auprès de la table, elle dit impérieusement à la princesse :

— Il y a quelque chose de plus fort que le profond dégoût que tout ceci m’inspire… c’est la crainte d’être accusée de lâcheté ; parlez, madame… je vous écoute.

Et la tête haute, le teint légèrement coloré, le regard à demi voilé par une larme d’indignation, les bras croisés sur son sein, qui, malgré elle, palpitait d’une vive émotion, frappant convulsivement le tapis du bout de