Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lait toujours devant sa tante et devant son entourage.

Malgré son assurance, rien n’était moins viril, moins virago que mademoiselle de Cardoville : elle était essentiellement femme ; mais aussi comme femme elle savait prendre un grand empire sur elle-même dès que la moindre marque de faiblesse de sa part pouvait réjouir ou enorgueillir ses ennemis.

La voiture roulait depuis quelques minutes ; Adrienne, essuyant silencieusement ses larmes au grand étonnement du docteur, n’avait pas encore prononcé une parole.

— Comment… ma chère demoiselle Adrienne, dit M. Baleinier, véritablement surpris de l’émotion de la jeune fille, comment !… vous, tout à l’heure encore si courageuse… vous pleurez ?

— Oui, répondit Adrienne d’une voix altérée, je pleure… devant vous… un ami… mais devant ma tante… oh ! jamais.

— Pourtant… dans ce long entretien… vos épigrammes…

— Ah ! mon Dieu… croyez-vous donc que ce n’est pas malgré moi que je me résigne à briller dans cette guerre de sarcasmes ?… Rien ne me déplaît autant que ces sortes de luttes d’ironie amère où me réduit la nécessité de me