Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

instants, ma chère enfant… et ensuite… je n’en appellerai… qu’à vous même !…

— À moi-même !… reprit la jeune fille stupéfaite, vous voulez me persuader que…

Puis s’interrompant, elle ajouta en riant d’un rire convulsif :

— Il ne manquait, en effet, à votre triomphe, que de m’amener à avouer que je suis folle… que ma place est ici… que je vous dois…

— De la reconnaissance… oui, vous m’en devez, ainsi que je vous l’ai dit au commencement de cet entretien… Écoutez-moi donc ; mes paroles seront cruelles ; car il est des blessures que l’on ne guérit qu’avec le fer et le feu. Je vous en conjure, ma chère enfant… Réfléchissez… jetez un regard impartial sur votre vie passée… Écoutez-vous penser… et vous aurez peur… Souvenez-vous de ces moments d’exaltation étrange pendant lesquels, disiez-vous, vous n’apparteniez plus à la terre… et puis surtout je vous en conjure pendant qu’il en est temps encore, à cette heure où votre esprit a conservé assez de lucidité pour comparer… comparez votre vie à celle des autres jeunes filles de votre âge. En est-il une seule qui vive comme vous vivez, qui pense comme vous pensez ? à moins de vous croire si souverainement supérieure aux autres femmes que vous puissiez faire ac-